On a décidé de rajouter une seconde cette année !

Publié le par Gilles et Calou

MARIE PIQUEMAL


«Le soir du 31 décembre, le sablier du temps va bégayer. On va rester deux secondes sur la même seconde», lance comme une banalité le docteur Daniel Gambis. Dans son bureau, à l’Observatoire de Paris, cet astronome surveille «du coin de l’œil» la rotation de la Terre. Et à l’occasion, il remet les pendules à l’heure, tous les trois ou quatre ans environ. Ainsi, il a décrété que l’année 2008 compterait une seconde supplémentaire.

C’est en effet, à Paris, avenue Denfert-Rochereau, que se décident ces sauts de seconde, appliqués ensuite dans le monde entier. Mais, en entrant dans le bureau de l’astronome, légère déception: pas d’imposante horloge, ni de machine à remonter le temps. Tout juste un petit réveil à aiguilles planqué dans le coin d’une étagère poussiéreuse.

Calé dans son fauteuil, muni d’un bic et d’une feuille de papier pour les besoins de la démonstration, le docteur Gambis se lance dans des explications. «Il existe plusieurs systèmes pour calculer le temps», commence-t-il. Depuis les années 1970, «on a arrêté de prendre la Terre pour horloge de référence», trop aléatoire à cause des différents phénomènes de rotation de la Terre. A la place, on utilise l’horloge atomique (basée sur les vibrations des atomes). Ce système, très précis et stable, n’est pas controversé aujourd’hui.

«Mettre la bonne heure à l’heure de la Terre»

«Mais, de temps en temps quand même, on ajuste l’horloge atomique à l’heure de la Terre pour éviter un trop grand décalage entre les deux…» Ecart maximum toléré: 0,9 seconde. «Là, on est à 0,6 en ce moment, on aurait pu attendre encore un an avant de remonter les pendules. Mais bon, on préfère jouer la prudence. Si ensuite, la Terre se met brusquement à accélérer, on serait embêté», explique t-il.

Faut dire qu'on ne badine pas avec le temps. C’est même un sujet très sérieux qui donne lieu à des colloques internationaux et autres prises de bec diplomatiques. «Dans les années 1950, on n’était pas à un quart d’heure près. Mais, aujourd’hui, chaque nanoseconde (un milliardième de seconde, ndlr) compte» s’enflamme-t-il. Pour positionner un satellite par exemple: une seconde d’erreur et l’engin parcourt cinq kilomètres.

Pour les transactions en Bourse, «vous imaginez si les traders n’avaient pas tous la même heure? Le nombre d’achats qu’on peut réaliser en quelques millièmes de seconde!» dit-il de tout son sérieux.

En pratique, ces petits sauts de seconde pour mettre «la bonne heure à l’heure de la Terre» posent des problèmes techniques. Ainsi, il y a quelques mois, le constructeur Volvo a contacté l’équipe du docteur Gambis, histoire de ne pas faire d’impair dans la programmation de leur nouveau GPS.

Aujourd’hui, certains pays, comme les Etats-Unis, proposent de revoir le système. «Au lieu de sauter d’une seconde tous les trois ou quatre ans, ils veulent rajouter une heure chaque millénaire environ» grimace Daniel Gambis, visiblement opposé à cette option, liée selon lui à des considérations politiques et non scientifiques. «Tout le monde veut maîtriser le temps, c’est bien normal… »

Et l'horloge parlante alors?

Quoiqu’il en soit, reste cette question — pragmatique mais essentielle : où se trouve la fameuse horloge parlante ? «Pas loin, dans le bâtiment d’en face», chez les physiciens, gardiens de l’heure atomique.

Le temps de se perdre dans un dédale de couloirs interminable, et nous voilà dans la salle de contrôle des références de temps. Une petite pièce capitonnée avec une série d’ordinateurs alignés et quelques machines bruyantes. Rien de très spectaculaire. Tout juste un quart de seconde pour apercevoir l’horloge parlante — qui se résume à une sorte de boîte grise avec des boutons noirs — que déjà un physicien nous sonnait les cloches. «Dehors, domaine réservé». Décidément, on ne plaisante pas avec le temps.

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