Une occasion d'améliorer le sort des autochtones

Publié le par Gilles et Calou

Ghislain Picard, Chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador

Le Devoir, 2007/09/14.

 

Le 7 mai 1982, après plus d'une décennie d'études sur la question, l'Organisation des Nations unies (ONU) créait le Groupe de travail sur les populations autochtones. Hier, l'Assemblée générale des Nations unies [s'est prononcée] sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, l'aboutissement de plus de 20 années de travail des peuples autochtones du monde, de divers États et de nombreuses organisations internationales. Cette journée est historique.


Cette déclaration constitue une avancée spectaculaire dans la protection des libertés et des droits fondamentaux des Premières Nations. Elle traite à la fois des droits collectifs et individuels, des droits identitaires, culturels et politiques, comme le droit à la consultation, le droit à la propriété sur les terres et le droit à la réparation. Elle prévoit également le droit d'accès à des procédures justes et équitables pour le règlement des différends, dont les décisions doivent être prises conformément aux traditions, aux valeurs et aux coutumes des autochtones concernés, et remises promptement.


Au cours des 20 dernières années et jusqu'à tout récemment, le Canada avait joué un rôle important et utile dans la rédaction et la promotion du texte de cette déclaration. Or, depuis l'accession du Parti conservateur au pouvoir, les autorités fédérales se sont montrées tout à fait hostiles à l'adoption de cette déclaration. Elles ont mis en place un vaste réseau international d'opposition à ce projet en laissant miroiter de graves conséquences pour les États en cas d'adoption de la déclaration. Ce changement d'attitude radical ne peut pas faire honneur aux Canadiens et est incohérent avec l'image de «défenseur des droits de la personne» que projette le Canada dans le monde.


En agissant ainsi, le gouvernement du Canada fait exactement le contraire de ce que les citoyens attendent de lui. Le respect des droits de la personne est une valeur forte et ancrée dans le coeur des Canadiens. Comment un pays qui se dit évolué, démocratique et préoccupé par le bien-être des gens qui habitent son territoire peut-il militer en défaveur d'un geste international pour le bien de centaines de milliers d'êtres humains? Comment le gouvernement du Canada peut-il ignorer la pauvreté, la violence, la sous-scolarisation des Premières Nations? Comment peut-il nous refuser les moyens d'améliorer notre sort et de colorer l'avenir de nos enfants?


Un entêtement idéologique


En fait, l'opposition farouche des autorités canadiennes à la déclaration, malgré les amendements récemment apportés pour satisfaire quelques États encore réfractaires, semble reposer davantage sur une position idéologique que sur un raisonnement objectif. Quand il affirme que la déclaration met «en péril les cadres juridiques et stratégiques pour traiter des questions autochtones», le gouvernement conservateur nous dit ni plus ni moins qu'il souhaite maintenir les peuples autochtones du Canada dans un statut de colonisés, régis par une loi rétrograde ( la Loi sur les Indiens) elle-même dénoncée sur toutes les tribunes internationales comme étant contraire aux droits de la personne. Or ce régime représente un statu quo inacceptable pour les Premières Nations.


On se retrouve aujourd'hui avec des situations de pauvreté, de chômage et de violence d'une telle ampleur, et ce, dans toutes les communautés présentes sur le territoire canadien, qu'il devient illusoire de croire qu'on peut surmonter ces difficultés dans le cadre actuel.


De plus, la «question autochtone» est régulièrement traitée sans l'apport des autochtones. Encore aujourd'hui, les représentants politiques des Premières Nations sont trop souvent écartés des cercles de prises de décision pour être simplement informés des décisions qui les concernent et qui sont prises par des gouvernements qui ne sont pas les leurs.


On est donc en droit de s'interroger sur le vaste fossé qui sépare le discours du gouvernement fédéral et ses actions concrètes. Que défend le Canada? Son cadre stratégique ou bien les personnes qu'il prétend défendre?


Le 29 juin dernier, les Premières Nations de tout le Canada se sont unies pour tenir la première Journée nationale d'action. Tous ont été à même de constater la mobilisation des autochtones, exacerbée par le découragement universel de toutes les communautés du pays devant la stagnation de nos droits. Il devient plus qu'urgent que les représentants du gouvernement se rendent compte de l'ampleur de la crise. Si on souhaite que les autochtones cessent de bloquer routes, rails et ponts, il faudra bientôt agir.


Le gouvernement du Canada doit se rendre à l'évidence. Le système qu'il a mis en place pour traiter de la «question autochtone» n'a jamais fonctionné. Des milliers de revendications territoriales s'empoussièrent sur les bureaux du ministère des Affaires indiennes du Canada et des milliers de griefs autochtones n'ont jamais obtenu de réponse. L'adoption d'un texte tel que celui qui a été proposé à l'Organisation des Nations unies était une occasion sans précédent d'actualiser les paramètres qui nous guident. Il aurait fallu faire preuve d'audace, d'humanité et de vision.

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