Le whisky : augmentation des prix du Whisky

Publié le par Gilles et Calou

Vers une augmentation du prix du whisky: Quelques phénomènes inquiétants

Une combinaison de facteurs semble indiquer qu'une augmentation des prix est inéluctable dans les prochains mois.

Matières premières

Mauvaises récoltes en 2006
Dans le monde:

Les récoltes d'orge d'hiver ont été satisfaisantes en France et au Royaume-Uni et la qualité de la production était bonne. Ces récoltes étaient terminées avant le mois de juillet.
La récolte d'orge de printemps était pratiquement terminée en juillet également en Espagne, France, Sud de l'Angleterre et Sud Ouest de l'Allemagne.
La qualité de l'orge espagnol était médiocre et la quantité n'était pas au rendez- vous, tandis que la France pouvait se féliciter d'une récolte meilleure que prévue. Le seul problème relevé ici était une forte teneur en protéines.
Même constat pour la Slovaquie et la Hongrie.

Puis vint le mois d'août qui a été le plus humide et le plus froid depuis des décennies. Normalement, l'orge résiste assez bien à l'humidité, mais les conditions extrêmes qu'a connue l'Europe Centrale par exemple ont détruit en grande partie les récoltes. De plus, les conditions climatiques ont provoqué la germination quasi spontanée de l'orge.
Dans des pays comme l'Allemagne, la Pologne ou la république tchèque, la perte se situe entre 50 et 75%, et une partie de ce qui a pu être récolté n'était pas utilisable pour le maltage. A peine si on peut s'en servir comme fourrage. Le problème de la pauvreté de la récolte en Europe est très important, parce que cela va priver l'industrie du whisky de sa matière première...
Il semble de plus que l'importation d'orge à malter depuis les fournisseurs traditionnels que sont l'Ukraine ou la Russie ne soit pas une option non plus. L'Ukraine a eu des problèmes de qualité et la Russie doit faire face à une demande interne accrue, et n'est pas en mesure d'exporter.
Pour éviter une fermeture des malteries à cause du manque d'orge, il est vraisemblable que de l'orge de qualité inférieure devra être utilisée, ce qui ne peut qu'avoir de fâcheuses conséquences sur la qualité du whisky produit cette année...

Source: rapport de Euromalt, syndicat européen des producteurs de malt.

En Ecosse

L'industrie du whisky en Ecosse va sans aucun doute souffrir de cette situation.
Cependant, la région a moins souffert que beaucoup d'autres des mauvaises récoltes, si on en croit la carte ci-dessous:

Malgré cela, les prix bruts de l'orge maltée a considérablement augmenté: de l'ordre de 70%...
On est dès lors en droit de se (re)poser la question de l'origine du malt utilisé par l'industrie du whisky écossais. D'après le SWA, l'immense majorité du malt utilisé par l'industrie est d'origine écossaise. Cette affirmation est difficile à contredire puisqu'elle émane d'une association qui est parfaitement au courant de tous les aspects économiques et industriels de la fabrication du whisky.
Le problème est probablement mal posé. S'il est probablement indéniable que plus de 90% du malt provient effectivement du territoire écossais, cela ne résoud pas la question de savoir d'où vient l'orge utilisé pour produire ce malt. En d'autres termes, les malteries écossaises produisent le malt utilisé par les distilleries, mais qui produit l'orge utilisé par ces malteries? Au vu de l'ampleur des dégâts, il y a fort à parier que l'origine de l'orge n'est pas majoritairement locale.

Les malteries

La pénurie d'orge en 2006 va bien évidemment avoir une influence sur les malteries. Pour bien comprendre cette incidence, il faut d'abord comprendre en gros le processus de fabrication du whisky. Pour cela, le mieux est de (re)lire la page sur le site consacrée à la fabrication.

Maltage et distilleries

La production du malt à partir d'orge était une des tâches traditionnelles des distilleries.
Jusqu'aux alentours des années 1960/1970, pratiquement chacune des distilleries produisait son propre malt. Les choses ont changé pour des raisons de rentabilité économique, et aujourd'hui plus aucune distillerie ne produit l'entièreté de son propre malt. A quelques exceptons près (Laphroaig, Springbank, Highland Park ou Bowmore qui produisent encore environ 30% de leur propre malt -attraction touristique?- ) cette activité a complètement cessé dans les distilleries.
Chaque distillerie achète son malt dans une malterie, suivant un cahier des charges souvent bien précis.

Concentration des malteries

Au cours des années, les grands groupes ont construit leurs propres malteries pour leurs propre besoins, et ont également consenti à vendre leur malt à des distilleries ne faisant pas partie du groupe, souvent en échange de first make spirit (whisky à la sortie de l'alambic). Des malteries moins importantes ont également été obligées de fermer leurs portes. Diageo est le plus grand groupe de spiritueux au monde, et possède 4 grandes malteries: Port Ellen, Glen Ord, Burghead et Roseisle. Toutes sont situées en Ecosse.
Diageo n'est évidemment pas le seul grand groupe à posséder aussi des malteries. Le groupe n'est cité ici qu'à titre d'exemple et il est probable que la politique des autres groupes ne diffère pas de celle du géant des spiritueux. Dans une période où le malt se fait rare, les grands groupes ont évidemment tendance à servir les besoins de leurs propres distilleries en priorité avant de revendre du malt à d'autres. Ou alors, à augmenter sensiblement les prix à la tonne. D'autant qu'on assiste à une sensible augmentation de la demande de whisky parallèlement à la pénurie d'orge... (voir ci-contre)

Conséquences sur l'approvisionnement

Il est assez évident qu'une augmentation sensible du prix des matières premières a de grandes répercussions sur l'approvisionnement des distilleries, et à terme sur l'approvisionnement en whisky des amateurs que nous sommes. Ajoutons à cela l'augmentation du prix du transport, dû en grande partie à celle du pétrole et des phénomènes locaux comme les difficultés d'approvisionnement en fuel (indispensable pour chauffer les alambics) sur Islay...

Conséquences sur les prix

L'augmentation sensible du prix des matières premières ne peut qu'avoir une incidence sur le prix que le consommateur payera chez son caviste ou dans sa grande surface. Heureusement, les matières premières ne représentent qu'une partie du prix du produit fini, ce qui permet d'espérer que l'augmentation ne sera pas proportionnelle à celle du malt (jusque 70%).
D'ailleurs une telle augmentation des prix aurait comme conséquence immédiate que la plupart des clients de l'industrie se tourneront vers d'autres alcools. De beaux jours seraient en perspective pour le cognac et la vodka continuerait à prendre de belles parts de marché.
Les prix des matières premières sont par nature très dépendants de conditions externes souvent changeantes. Ainsi après la montée inexorable des prix du pétrole au cours de l'année dernière, où on nous promettait un pétrole à plus de 100 dollars le baril, il a suffit d'un hiver moins rigoureux pour faire descendre les prix. Gageons qu'une récolte de meilleure qualité l'année prochaine remette un peu les choses en place. Mais comme toujours, les hausses sont répercutées immédiatement, tandis que les baisses de prix se font toujours un peu attendre...
L'avenir nous dira si ce constat pessimiste se vérifiera au cours des années, ou si nous sommes simplement dans une mauvaise passe. La vie économique étant toujours faite de cycles, avec des hauts et des bas. Espérons avoir atteint le fond.

(Tiré du Bulletin d'informations de Whisky Distilleries.info du 11 février 2007)
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